1763-12-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Antoine Jean Gabriel Le Bault.

Monsieur,

J'ai reçu la feuillete, et je supose qu'elle est de l'année passée, elle n'en vaudra que mieux.
Aumoins mon curé n'aura pas la dîxme de cette feuillete, et nous la boirons toute sans lui à vôtre santé; il est vrai que ce prêtre boit plus que toute nôtre maison ensemble. Il fait venir du vin de Champagne qu'il compte paier de nôtre dixme. Son maudit procureur nous persécute. J'ai suplié Mr le premier président de vouloir bien ne nous point juger sitôt. Comme il y a cent ans que ce procez dure y aurait-il un si grand mal qu'il durât encor quelques mois de plus? pouriez vous, Monsieur, avoir la bonté de voir avec Mr le premier président ce qu'il peut faire? en attendant qu'il prenne les arrangements qui lui conviendront le mieux avec la Cour, sur cette affaire, dans laquelle Berne et Genêve interviennent.

J'ai pris la liberté d'envoier à Mr le 1er président, et à Mr le procureur général, un petit livre que je crois fait par un huguenot, et dont on n'a tiré que trente six éxemplaires; j'en ai attrapé deux; si j'en avais eu un troisième il eût été pour vous; mais j'ai compté que Mr le 1er Président ou Mr le procureur général vous prêterait le sien.

Il me parait que les Jesuites restent à Besançon. Pour moi j'en ai un qui me dit la messe, et je me flatte que le Pape m'en saura fort bon gré.

J'ai L'honneur d'être avec bien du respect, Monsieur, Vôtre très humble et très obéissant serviteur.

Je présente mes respects à madame le Bault.

Voltaire