26e Mars 1763 aux Délices
J'ai écrit, Monsieur, dès que j'ai reçu vôtre Lettre, mais je n'ai pu écrire qu'en général, et vous jugez bien que la requête d'un solitaire des alpes a très peu d'éffet à Paris et à Versailles, surtout quand elle n'est pas assez motivée.
J'aurais désiré que vous m'eussiez instruit des prétextes qu'on a pris pour saisir vos éffets. Il faut apparemment qu'on vous suppose quelques dettes, ou que vous aiez eu le malheur de transiger avec des personnes qui abusent de vôtre facilité. Il n'est que trop ordinaire aux gens de lettres de faire de mauvais marchés. En ce cas, ne pourait-on pas demander des arbitres, et les faire agréer par M: le Duc de Bouillon? Cette voye me parait la plus raisonnable, la plus courte et la moins dispendieuse. Je ne vois pas, d'ailleurs, qu'on puisse vous empêcher de faire un journal; c'est un travail que tout le monde peut entreprendre, et s'il y a quelque avantage, c'est pour celui qui réussit le mieux.
Je conçois encor moins comment on a pu saisir les êffets de Made Vôtre femme, sans quelque sentence juridique, obtenue en vertu de quelque dette contractée, ou de quelque acte de société. Vous me laissez dans une ignorance totale de ce qu'il était nécessaire de sçavoir pour vous rendre service. Il ne tient qu'à vous de m'envoyer un détail éxact qui puisse autoriser mon zèle: il est très vif et très sincère, mais il a besoin d'être éclairé.
J'ai L'honneur d'être, Monsieur, avec tous les sentiments qui vous sont dus, Vôtre très humble et très obéïssant serviteur
V.