à Londres, 10 d’avril 1771
Monsieur,
Je saisis avec empréssement çe prétexte pour renouvéllér notre commerce, qui, à mon grand regret, a été suspendus si longtems.
Il s’agit de vous présentér Monsieur le Comte de Huntingdon, qui depuis plusieurs années m’a honoré de son amitié. Ce Seigneur est de la plus ancienne et illustre famille que nous ayons icy, Mais J’ose dire que son mérite personnel lui fait plus d’honneur, que son Arbre Généalogique. Un sçavoir infini, beaucoup d’esprit, un goût délicat, et les manières d’un homme de qualité, le distinguent d’entre toutte notre Noblesse, qui ordinairement ne brille pas par çes endroits. Enfin, vous en Jugerez vous même et Je ne crains pas votre décision.
Je suis ravi d’apprendre par bien des gens qui ont eu L’honneur de vous voir à Ferney, que vous vous soutener encore si bien, et que vous avez toutte la vivacité et force d’esprit que vous aviez dans votre Jeunesse; Nous sommes à peu près contemporains, Mais mon sort n’est pas si doux; au contraire mon corps et mon esprit sont infiniment baissez. Il n’y a pas un Mois que J’ay pensé mourir, et il s’en faut bien que Je sois rétabli actuellement. Ma Surdité est devenue totale, et mes yeux commencent à me manquér; ce dernier article me chagrine d’autant plus, que vous m’avez dit à Bruxelles que tant que vous vivrier vous écririer, et en vérité vous m’avez gâté pour tout autre Ecrivain, en quelque genre que ce soit.
Adieu Monsieur, soyer persuadé que Je vous honore et admire plus que personne, et que J’ay L’honneur d’être, Monsieur,
Votre très humble et obéïssant serviteur
Chesterfield