Bouillon Le 8 may 1773
Monsieur,
Vous avés enrichi le théâtre de P. Corneille d'un commentaire qui le rend encore plus digne de notre admiration & qui est une preuve du vif intérest que vous prennés à la mémoire de ce grand homme. Heureux émule du créateur de la tragédie françoise, il n'appartient qu'à vous de corriger les fautes qui lui ont Echappé, ou qui étoient, plustôt que les siennes, celles de son siècle. Vous pouviés vous contenter du premier rang que le vôtre vous défère, dans la république des Lettres, quoi qu'en disent quelques reptiles, telum imbelle, siné ictu ne va pas jusqu'à vous. Mais vous vous êtes assoçiés en quelque sorte, à la gloire du prince de nos poëtes Tragiques, pour mériter du bon goût, un nouveau genre de reconnoissance. Ce n'est pas tout: vous vous êtes approprié sa famille; vous avés servi de Père à sa niéçe; vous avés réparé généreusement à son égard, L'injustice d'être fortune. Tels sont Monsieur les titres que je réclame aujourdhuy, pour vous supplier de me permettre de faire parraitre sous vos auspices L'Esprit de Corneille. Tout ce qui a rapport à çe Poëte célébre, vous est cher, vous est devenu comme personnel. Il semble que les noms de Voltaire & de Corneille ne puissent plus aller qu'ensemble. En agréant l'hommage de çe recueil vous lui assurés le suffrage du public éclairé.
Je suis àvec une respectueuse considération
Monsieur
Votre trés humble & très obéissant serviteur
Chalier