1763-01-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacob Vernes.

Je suis ravi mon cher Rabbi de l'intérest que vous prenez à la chose.
Je sens bien que je marche sur des charbons ardents. Il faut toucher le cœur, il faut rendre l'intolérance absurde, ridicule et horrible; mais il faut respecter les préjugez. Il est bien difficile en montrant les fruits amers qu'un arbre a portez, de ne pas donner lieu de penser que l'arbre ne vaut rien. On a beau dire que c'est la faute des jardiniers, bien des gens sentent que c'est à l'arbre qu'il faut s'en prendre. Au reste il y a dans le contrains les d'entrer de Bayle des choses beaucoup plus hardies. A peine s'en est on aperçu parce que l'ouvrage est long et abstrus. Cecy est court et à la portée de tout le monde. Ainsi je dois être plus circomspect. J'ay baucoup ajouté, baucoup retranché, corrigé, refondu. La crainte de déplaire est l'éteignoir de l'imagination. Il faudrait que vous vinsiez rallumer la mienne avec votre ami. Nous tiendrions ensemble un petit conciliabule de tolérance. Je voudrais qu'en inspirant la modération l'ouvrage fût modéré.

Gardez moy un profond secret mes frères. Il ne faut pas que mon nom paraisse. Je n'ay pas bon bruit.

Tenez voylà un petit chapitre pour vous amuser. Renvoyez le, ou plustôt raportez le, et raisonons.