14e 9bre 1767 à Ferney
Monsieur,
Il parait que le conseil cherche bien plus à favoriser le commerce et la population du roiaume qu'à persécuter des idiots qui aiment le prêche et qui ne peuvent plus nuire.
Dans ces circontances favorables je prends la liberté de rapeller à vôtre souvenir l'affaire des Sirven et d'implorer vôtre protection et vôtre justice pour cette famille infortunée. On dit que vous pourez raporter cette affaire devant le Roi. Ce sera, Monsieur, une nouvelle preuve qu'il aura de vôtre capacité et de vôtre humanité. Il s'agit d'une famille entière qui avait un bien honnête, et qui se voit flétrie, réduite à la mandicité et errante en vertu d'une sentence absurde d'un juge de village.
Il n'y a pas longtemps, Monsieur, qu'on a imprimé à Toulouse par ordre du parlement, une justification de l'affreux jugement rendu contre les Calas. Cette pièce soutient fortement l'incompétence de Messieurs des requêtes, et la nullité de leur arrêt. Jugez comme la pauvre famille Sirven serait traittée par ce parlement si elle y était renvoiée après avoir demandé justice au conseil. Vous êtes son unique apui, je partage son affliction et sa reconnaissance.
J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect
Monsieur
Vôtre très humble et très obéïssant serviteur
Voltaire