1767-12-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Daniel Marc Antoine Chardon.

Monsieur,

Je n'ai pu retrouver le petit mémoire fait par un conseiller du parlement de Toulouse, dans lequel on justifie l'assassinat juridique de Jean Calas, et on soutient l'incompétence et l'irrégularité prétendue de l'arrêt de mm.
les maîtres des requêtes. Mais je crois que vous recevrez dans une quinzaine de jours au plus tard, cette pièce de Toulouse même. Elle vous sera adressée sous l'enveloppe de m. le duc de Choiseul.

Je crois que les circonstances n'ont jamais été plus favorables pour tirer la famille Sirven de l'oppression cruelle dans laquelle elle gémit depuis six années. Elle a contre elle un juge ignorant, un parlement passionné, un peuple fanatique; mais elle aura pour elle son innocence, et mr Chardon.

Cette affaire est bien digne de vous, mr. Non seulemt vous serez béni par cinq cent mille protestants mais tous les catholiques ennemis de la superstition et de l'injustice vous applaudiront. Je me flatte enfin que l'absence de mr Gilbert, ne vous empêchera point de rapporter l'affaire devant le roi, et je suis bien sûr que le roi sera touché de la manière dont vous la rapporterez. Je m'intéresse autant à votre gloire qu'à la justification des Sirven.

J'ai lu le livre de mr de La Rivière; je ne sais si c'est parce que je cultive quelques arpents de terre, que je n'aime point que les terres soient seules chargées d'impôts. J'ai peur qu'il ne se trompe avec beaucoup d'esprit, mais je m'en rapporte à vos lumières.

J'ai l'honneur d'être avec beaucoup de respect et un attachement qui se fortifie tous les jours,

monsieur,

votre &a

Voltaire

P. S. J'apprends dans le moment mr que vous allez faire le rapport devant le roi. Vous n'aurez point encore reçu le mémoire du conseiller de Toulouse contre mm. les maîtres des requêtes. Mais soyez assuré qu'il existe, je l'ai lu, et je suis incapable de vous tromper.