1760-10-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Count Ivan Ivanovich Shuvalov.

Monsieur,

J'ignore si les ballots que j'ay eu l'honneur de vous envoier par Monsieur de Golofkin et par Monsieur de Keizerling sont parvenus à votre Excellence.
Je n'ay eu encore aucune nouvelle du gentilhomme qui devait se rendre de Vienne à Geneve, ainsi je ne puis vous rien dire aujourduy touchant le second volume de l'histoire de Pierre le grand.

Il se présente une autre occasion monsieur de vous marquer ma confiance en vos bontez. N'imputez qu'à la connaissance que j'ay de votre caractère bienfaisant, la liberté que je vais prendre. Cette liberté est un hommage que je rends à votre vertu. Le sr du Pont, négociant de Lyon, qui doit envoier ma lettre à votre Excellence accompagnée de son mémoire, est un homme de bien à qui je m'intéresse. Il ne demande que justice; et si cette justice peut luy être rendüe par votre protection ce sera parmi les cent bouches de la renommée, une bouche de plus qui célébrera votre bienfaisance, Ce sera aussi une nouvelle obligation que je vous aurai. Si vous pouvez, monsieur, sans vous compromettre, acorder au sr du Pont votre bienveillance, je croiray ce bon office rendu à moy même.

Agréez monsieur que je vous fasse mes compliments sur les nouvaux succèz de votre nation. Elle prend de jour en jour le chemin d'être la première de L'Europe.

J'ay l'honneur d'être avec l'attachement le plus tendre et le plus respectueux

Monsieur

de votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire