1760-02-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Count Ivan Ivanovich Shuvalov.

Monsieur,

C'est pour dire à votre excellence les mêmes choses que je luy disais dans ma dernière lettreécritte il y a huit jours et adressée par Vienne sous l'enveloppe de Mr le comte de Kaizerling, conseiller aulique.
C'est pour vous renouveller mon étonnement et mon affliction de n'avoir reçu aucunes nouvelles des paquets envoyez depuis plus de quatre mois. L'un était un ballot à votre adresse dépêché par Mr de Soltikof, actuellement à Geneve, l'autre un paquet qui contenait le premier volume de l'histoire de Pierre le grand. Je vous ay confié mes craintes sur ces deux paquets dans ma lettre adressée à mr de Keizerling. Je ne peux cependant imaginer que ces paquets aient été interceptez. Il me semble que les chemins sont libres par la voye de Vienne, et que vos trouppes victorieuses assurent la liberté des couriers par la Pologne. Mon plus grand chagrin, est que ce retardement de l'arrivée des deux paquets tout deux envoyez à monsieur de Keizerling pour votre excellence, retarde les travaux que j'avais entrepris pour vous plaire. Je me faisais d'autant plus de plaisir de célébrer votre nation, et votre ministère dans l'histoire de Pierre le grand, que l'une et l'autre sont cruellement outragez dans le nouvau livre dont j'ay eu l'honneur de vous parler dans ma dernière lettre envoyée par la voye de Vienne. Quoy qu'il arrive j'attendray vos ordres avec le plus grand empressement de leur obéir.

J'ay l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux

Monsieur,

de votre excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire