1760-06-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Adrien Helvétius.

Qui eût cru que la V. dût venger la philosophie?
Il en est cependant quelque chose. Avant hier quelques médecins tinrent conseil pour savoir si on rognerait le monsieur ou si on ne le rognerait pas; & je ne sais quel a été le résultat du conseil.

Vous me demandez pourquoi on a rejoué la pièce: ma foi je n'en sais rien, & dans cette affaire tout est inconcevable.

Nous sommes las de si, de mais, de quand, de qu'est-ce, de pourquoi, & voilà que nous avons fait des que.

Que Paul Le Franc de Pompignan
Ait fait en pleine académie
Un discours très impertinent,
Et qu'elle en soit toute endormie;
Qu'il ait bu, jusques à la lie,
Le calice un peu dégoûtant
De vingt censures qu'on publie
Et dont je suis assez content;
Que pour comble de châtiment
Quand le public le mortifie,
Jean Freron le béatifie,
Ce qui redouble son tourment;
Qu'ailleurs un noir petit pédant
Insulte à la philosophie
Et qu'il serve de truchement
A Chaumeix qui se crucifie;
Que l'orgueil & l'hypocrisie
Contre les gens de jugement
Etalent une frénésie
Que l'on siffle unanimement;
Que parmi nous à tout moment
Cinquante espèces de folie,
Se succèdent rapidement
Et qu'aucune ne soit jolie;
Qu'un jésuite avec courtoisie,
S'intrigue partout sourdement
Et reproche un peu d'hérésie,
Aux gens tenant le parlement;
Qu'un janséniste ouvertement
Fronde la cour avec furie;
Je conclus très pertinemment
Qu'il faut que le sage s'en rie.