1739-02-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas René Pageau.

Je reconnais monsieur l'ancien ami de mon père et de toute ma famille, à la bonté avec laquelle vous vous intéressez en ma faveur, au sujet de cet infâme libelle de l'abbé Desfontaines. Je suis bien loin de demander ni acte par devant notaire, ni mention sur les registres des avocats, ni rien d'approchant. Mais il serait infiniment flatteur pour moi que je pusse obtenir seulement une lettre de votre bâtonnier et de quelques anciens, par laquelle on marquerait qu'après s'être informé à tous les avocats de Paris, ils avaient tous répondu qu'il n'y en avait aucun de capable de faire un si infâme libelle. Si on pouvait ajouter un mot en ma faveur, j'en serais plus honoré mille fois que je ne suis affligé des insultes d'un scélérat comme Desfontaines. Au reste l'honneur qu'on daignerait me faire ne tomberait monsieur que sur un homme pénétré d'estime et de respect pour votre profession et qui se repent tous les jours de ne l'avoir pas embrassée. Mais monsieur dans cette profession il n'y a personne que j'honore plus que vous et dont j'ambitionne plus l'amitié et le suffrage.

Je suis, monsieur, avec une estime infinie, votre très humble et très obéissant serviteur.

P.S. Ne pourrais je pas par le moyen de quelques conseillers au parlement de mes amis, demander qu'on fasse brûler le libelle? Le bâtonnier ne pourrait il pas le requérir lui même? Il me semble qu'il y en a des exemples, et que l'on pourrait au nom du corps des avocats requérir ce châtiment comme d'un libelle scandaleux attribué aux avocats.