[20 Juin 1736]
Monsieur,
Pardon de vous importuner encore, mais tout le public est indigné contre L'insolence de Jore et contre la témérité de l'avocat Baile plutôt complice que deffenseur de Jore.
Est il possible qu'un libelle infâme absolument étranger à la prétendue cause de Jore se débite dans Paris aux portes des spectacles? Aucun exemplaire n'en a été donné aux juges, tout est vendu au public. Les loix, Les bonnes mœurs, votre autorité sont également blessées. Je les réclame Monsieur, punissez un scélérat déjà coupable mille fois devant vous. Ecrivez un mot à M. le garde des sceaux, faittes vous remettre L'original de cette lettre extorquée qui fait le prétexte du procez. Il n'y aura point d'honnête homme qui ne Vous en ait obligation.
Je vous conjure Monsieur de faire voir combien vous détestez cette odieuse manœuvre, souffrirez vous que Bayle se vante publiquement comme il fait d'avoir poussé l'affaire malgré vous?
Encor n'esce pas luy qui a écrit ce libelle, c'est l'abbé Desfontaines.
Seroit il dit que Jore et Desfontaines tout deux repris de justice par vous triomphassent à vos yeux d'un homme que vous protégez? Il n'est plus question actuellement d'acheter le silence d'un scélérat, et la suppression de ma lettre, mais d'en punir la publication faitte malgré vos ordres.
Je suis avec respect et reconnaissance
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire