Monsieur,
Je n'ay pu encor être assez heureux pour vous trouvez chez vous.
J'aprends dans le moment que Jore est venu se plaindre de vous chez Dumoulin, rue de Longpont, le quel du Moulin est celuy qui l'incite à cette mauvaise manœuvre. Il luy a conseillé d'aller chez M. le garde des sceaux, le flattant que Mgr Le garde des sceaux le soustrairoit aussi tôt à votre tribunal. Jore aussi absurde que méchant y est allé.
Je vous suplie Monsieur de faire attention que ce Dumoulin, cy devant mon homme d'affaires, m'ayant volé mon bien, garde encor tous mes manuscrits.
Il ne tiendroit qu’à vous Monsieur de luy ordonner de vous les aporter, ils seroient mieux entre vos mains et ce seroit une nouvelle obligation que je vous aurois.
J'ay déjà été forcé d'abandonner à ce fripon de Dumoulin Vingt quatre mille livres que je luy avois prêtez et qu'il m'a mangez.
Je n'ay plus rien. Jore par ses procédures a fait des saisies sur le peu de bien qui me reste. Je ne fais point casser ces procédures parce que je m'en suis remis à votre jugement. En attendant je suis dans une situattion très violente. Je me console par l'espérance que vous punirez un fourbe, et un insolent qui veut se soustraire à votre autorité et à votre arbitrage.
Je suis avec respect et reconnaissance
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
ce 14 juin [1736] à l'hôtel d'Orlèans