1736-06-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à René Hérault.

Monsieur,

Je vous suplie de vouloir bien garder cette lettre.
Je suis obligé de partir de Paris dans deux jours. Je laisse tous les papiers concernant l'affaire de Jore, au s r Robert, avocat, rue du Mouton près de la greve.

J'ay besoin pour avoir main levée des saisies faites par Jore, ou d'une sentence du chatelet, ou d'un arrest prononcé par vous monsieur comme commissaire du conseil, ou d'un ordre qui force ce scélérat à donner la main levée en le condamnant comme vous le pouvez à mille écus d'amande pour sa prévarication. Quelque party que vous preniez, je ne doute pas Monsieur que vous ne L'empêchiez d'imprimer cette lettre où monsieur le garde des sceaux et un de ses amis sont compromis.

Mr le Normand condamne bien fort le procédé du sr Bayle avocat, qui soutient Jore contre nous. Ce Bayle a avoué qu'il n'avoit aucun titre pour intenter un procez et qu'il ne vouloit imprimer cette lettre et ce factum prétendu que pour intimider et pour tirer de L'argent.

Jore est allé trouver M. le garde des sceaux. Je croi qu'il en aura été reçu comme il le mérite. Il y a autant d'absurdité que de scélératesse dans la conduitte de cet homme, et il est bien étrange que L'avocat Bayle veuille les partager. Enfin Monsieur j'attends tout de votre équité et de votre protection.

Si vous parliez un peu au sr Bayle je suis persuadé qu'il n'oseroit plus se mêler d'une affaire si odieuse qui a été refusée par quatre avocats.

Je seray toutte ma vie, avec un respect et une reconnaissance infinie

Monsieur

Votre très humble et très obèissant serviteur

Voltaire