1736-06-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Germain Louis Chauvelin.

Monseigneur,

Avant la publication du factum j'aurois donné baucoup pour prévenir le scandale, j'aurois acheté le silence d'un scélérat, mais ce silence n'est plus à vendre.

La caballe de Jore a inondé le public de son libelle, Jore a bravé la médiation de Monsieur Heraut et l'autorité du ministère. Recevra t'il à présent le prix de son crime, de son insolence et du libelle qu'il a vendu publiquement? Une évocation à Monsieur Heraut comme commissaire du conseil ne seroit elle pas juste? J'ose l'attendre de votre protection. Le public croiroit que j'étois en effet débiteur de Jore si je m'acomodois avec luy, il auroit le fruit de son crime et moy la honte. Je m'en remets entièrement à vos bontez.

Tout le monde me dit que je suis déshonoré si je m'acomode àprésent. Si la voix publique le dit, elle a raison, car la chose dépend d'elle.

Je suis avec respect et reconnaissance

Monseigneur

Votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur

Voltaire