Monsieur,
Je crois que ce n'est point l'usage qu'on vende publiquement des libelles diffamatoires aux spectacles quand même ces libelles seroient signez du nom d'un avocat.
Je vous suplie monsieur de vouloir bien faire ordonner que ce scandale qui révolte tous les honnêtes gens, cesse à l'opéra et à La comédie. On y vend sur le téâtre le mémoire du nommé Travenol.
Ma famille monsieur m'a obligé de faire poursuivre ce Travenol en justice, et il est bon d'ailleurs que Les auteurs de ces infamies qui inondent le public sachent que les loix ont décerné des peines contre eux. Vous avez eu la bonté monsieur de me promettre que quand je requererois judiciairement communication des pièces déposées chez le commissaire la Vergée au sujet de cette affaire, vous voudriez bien permettre que L'on m'aidast de ces originaux ou de copies autentiques. Je vous suplie monsieur de trouver bon que je fasse à présent usage de vos bontez. Je ne veux point faire cette démarche sans auparavant vous en avoir demandé la permission. Je vous suplie monsieur de considérer que la nouvelle charge dontle Roy vient de m'honorer, et qui m'approche quelquefois de la personne de sa majesté, me met dans la nécessité indispensable d'avoir justice d'un libelle qui flétriroit ma réputation s'il étoit impuni. J'attends de vous monsieur la grâce que je vous demande, et la continuation de vos bontez.
J'ay l'honneur d'être avec la reconnaissance et l'attachement le plus inviolable,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
à Paris rue Traversiere mercredy 16 nbre [1746]
Je vous suplie de me donner vos ordres par écrit monsieur ou de me faire dire quand je pouray avoir l'honneur de vous parler.