ce seize juin 1736
Monsieur,
Le sr Jore persiste toujours dans le dessein de faire imprimer cette lettre que vous luy avez redemandée, et qu'il refuse si insolement de vous remettre.
Jore demeure chez Tabari, ancien libraire, rue du Pau, au petit hôtel Condé.
Son avocat Baile le soutient dans cette mauvaise manœuvre; et quoy qu'il n'y ait pas matière à procez, il fait un libelle sous le nom de factum pour m'en faire acheter la suppression. Il est très certain que Le nom de M. le garde des sceaux est compromis dans cette lettre que ce misérable veut absolument imprimer malgré vous.
Il ne tient qu’à vous Monsieur d'user de votre autorité, d'empêcher Les imprimeurs, d'imprimer son libelle et la lettre, et de Le punir pour avoir osé s'avouer dans son exploit, imprimeur d'un livre deffendu.
Je viens de rendre compte par un mémoire à M. Rouillé de ce qui s'est passé chez vous comme vous me L'avez ordonné, afin qu'il en instruise M. le garde des sceaux s'il le voit avant vous.
Je vous aurois bien de L'obligation Monsieur si vous vouliez avoir la bonté d'envoyer chercher le sr Bayle, avocat, et luy faire honte de se charger d'une cause si odieuse.
Je suis avec bien de respect et de la reconnaissance
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire