1753-07-13, de Johann Erasmus von Senckenberg à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Votre lettre du ͞ne me fut rendue qu'hier à midy après le départ de la poste pour Mayence.
Je fis d'abord venir le Notaire Boehm pour Luy montrer l'espèce de plein pouvoir que vous m'aviez envoyée pour luy, mais il me dit, qu'il n'en avoit pas besoin en ayant déjà receu de vôtre part avec la faculté de substituer, ce qui le met en état de faire signer les écritures, qui doivent être présentées au Conseil et qu'un Notaire ne peut point présenter selon nos ordonnances, par tel Avocat, qu'il voudra. Il s'agit seulement de la signature. Car pour les matériaux et la forme il y en aura, qui les donneront.

Après le départ de ma dernière j'eus l'occasion de parler au Notaire Myc, qui m'apprit, que Mr le Bourgemaitre de Fichard L'avoit interrogé formellement sur le fait du pistolet et que sur sa conscience il en avait attesté L'innocence.

Le Notaire Boehm me raconta qu'il luy étoit arrivé la même chose et qu'il avoit fait pareille déposition.

Nous en conclûmes, que jusques icy il falloit supprimer le plein pouvoir que vous Luy avez donné pour ne point affoiblir les dépositions d'un témoin reconnu en même tems pour L'avocat de celuy en faveur duquel il avoit rendu témoignage.

L'après midy je me rendis à la maison de ville. Je m'y fis montrer le formulaire du décret du 7 émané sur vôtre demande de la communication de La réquisition des Ministres de Prusse, décret à la conclusion duquel j'avois assisté. On y ordonne de déclarer à Mr Schmid, que si Luy et son collègue ne consentoient point à lad. communication que jusques icy on ne vouloit pas faire à leur inseu, on s'en tiendroit à leur caution interposée par rapport à tous les dommages, fraix et dépens, qui pourroient résulter d'un procez intenté contre le Conseil au sujet de L'arrêt et de la saisie des effets.

Diefenbach a fait une relation sur la notification qu'il a eu ordre de faire à Schmid du contenu de ce résultat. Je ne L'ay pas encore lue ne voulant pas déceler mes intentions par une perquisition trop marquée du dossier, qui est encore aux mains du Secrétaire Intime de la ville. Je me réserve d'en parler à Diefenbach luy même, que je ne trouvay pas à L'audience.

Je m'y fis pourtant donner le procez verbal des interrogations et réponses touchant L'imputation de Dorn et je trouvay qu'elles sont entièrement en votre faveur. Le Copiste qui me les montra me dit, que Copie en seroit délivrée tant à vôtre Procureur Boehm, qu'au Copiste Dorn. Je vis par là, que La suppression dont nous étions convenus Boehm et moy n'avoit pas lieu.

Tout cela bien pesé, j'ay fait ensorte aujourd'huy que le Notaire Boehm présentera une requête de deux cahiers en vôtre nom, tendant à vous faire avoir Communication de la réquisition de Ministres et le reste de votre argent. Boehm n'a pas pu la copier assez tôt pour que je puisse vous la cotter avant le départ de la poste.

Mais comme il me dit devoir demain partir pour Mayence pour d'autres affaires il vous l'apportera.

Mr. Varrentrapp m'assure que nous aurons L'honneur de vous voir bientôt chez luy.

En attendant je suis avec une considération respectueuse,

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

le bien connu