à Francfort ce 21 Juillet 1753
M. nos syndics ayant appris le dernier résultat de nôtre Conseil se sont recriés de toute leur force, sur les conséquences, qui en pourroient résulter, disant qu'ils eussent souhaité, qu'on se fût entièrement tenu hors d'affaire avec le Roy et qu'on eût Laissé à S. M. le soin de faire justice contre ses Agens.
Les vues sur La grande affaire de nôtre ville, c'est à dire La cause concernant une église réformée dans La ville, affaire dans laquelle le roy protège en quelque manière le Conseil par son inaction, rend ces Messieurs craintifs sur les moindres démarches, qui bien Loin de heurter les vues du roy, ne tendent qu'à procurer la justice contre ses Conseillers, qui ont eu la témérité d'infliger des torts sensibles à des étrangers, sous promesse d'une ratification royale, qu'ils ne produisent point et sous l'engagement de leurs biens, dont La meilleure partie est celle d'un bourgeois.
Mr. Schmid a refusé d'accepter un résultat par écrit concernant les affaires de son ministère et Messieurs du Committé n'ont pas osé faire des pas en conséquence du résultat.
Mr. de Freytag a répondu à nôtre greffier que La réquisition du roy arriveroit apparemment le 19 et qu'au cas, qu'elle n'arrivoit pas, il écriroit en Cour aujourd'huy. Lad. réquisition n'est pas encore arrivée.
En attendant Mr. de Freytag montre une lettre de Mr. de Fredersdorff dans laquelle il approuve, dit-on, tout son procédé contre vous et se sert de quelques expressions fort dures. On ajoute que cette lettre e[s]t munie du cachet royal. Comme je ne L'ay point vue, je ne saurois juger, si le rapport, auquel elle sert de réponse, peut avoir été vray et circonstancié.
Voicy la face présente de vôtre affaire. Il est triste qu'on fasse valoir une raison d'état pour vous dénier une promte justice en supposant gratuitement, qu'un Monarque de la plus haute réputation peut être exactement informé de toutes les indignités commises contre vous et les vôtres, les approuver en secret et être bien ayse de se dispenser d'une approbation publique.
Pour moy, quoique S. M. n'ait pas répondu à nos griefs contre les excès de ses Ministres commis sans la réquisition préalable de la Magistrature, je ne saurois me persuader, qu'un si grand Prince puisse se divertir d'une action trop contraire à l'humanité et trop petite pour un génie sublime. Au reste je connois le manège des Cours où les Ministres et favoris trouvent toujours moyen de protéger leurs cliens et de détourner les châtimens qui leurs sont dus, surtout en supprimant des affaires peu importantes au général. Voilà peut être précisément vôtre cas.
Dans ces circonstances, Monsieur, comme je serois fâché de vous donner de fausses lumières et de vous entrainer à des démarches qui peut être n'aboutiroient à rien, il faut que je vous dise, que quoique vôtre affaire avec Dorn, prétextée pour retenir vos deniers, sera exposée au roy dans une lettre du Conseil, le meilleur parti et le plus sûr pour vous sera toujours de vous addresser tout droit à S. M.
Je suis bien fâché que vôtre procez ait déjà tant coûté. C'est là un mal presque général hors des terres de Prusse. Je souhaiterois fort de pouvoir m'expliquer avec vous de bouche et je suis en attendant avec un dévouement respectueux.