1753-07-30, de Johann Erasmus von Senckenberg à Voltaire [François Marie Arouet].

Jeudy 26 il arriva une lettre du Roy de Prusse en date du 21 et aujord'huy il en est arrivé une du 24.

La première sert de réponse à celle du Conseil en date du 9 et la seconde à celle du 5 sans qu'on sache la raison de cette prépostération.

Celle là est une lettre de Chancelerie in folio, pourvue des courtoisies ordinaires, contresignée de Mr. de Finckenstein.

Celle cy est une lettre privée in quarto où le Roy parle au singulier.

Dans la première le Roy ne fait que remercier simplement le Conseil, de ce que, sur les instances de ses Conseillers il a élargi Mr. de Voltaire.

Dans la seconde le Roy dit, qu'il ne sauroit se persuader, que Freytag eût outrepassé ses ordres en faisant arrêter Madame Denis,

que cependant, supposé même, qu'on eût pris des précautions un peu exactes pour s'assurer de Mr. de Voltaire, il s'étoit luy même attiré ces chagrins, et qu'il étoit juste qu'il payât les fraix de sa prison, ayant violé la parole qu'il avoit donnée au Conseil, de ne pas sortir de La ville.

Le Roy ajoute en propres termes: Ne vous mettez aucunement en peine, de ce qui pourra arriver de cette affaire. De quelque protection qu'il se vante, il est trop certain, que pour plus d'une faute il ne sauroit rentrer dans sa patrie.

Il est visible que non seulement le Roy a été abusé par rapport à L'engagement de Mr. de Voltaire et comme il n'y a ni réponse aux plaintes du Conseil, ni mention des deniers enlevez il paroit assez que le Roy, peut-être mal informé sur les détails, sans approuver ouvertement la conduite de ses Agens, est bien ayse de ne la pas désapprouver.

Il en résultera sans faute que le Conseil sera sourd à tout ce qui pourra luy être représenté et qu'il ne se mêlera plus du tout de cette affaire.