à Francfort ce 17 Juillt 1753
Monseigneur,
En conséquence des ordres dont votre Excellence m'a honoré le 10 du Court je continue l'Histoire de Mr de V.
Les Srs Schmid et Freytag, n'aiant point pu produire des ordres dans les Formes du Roi leur maitre, le Magistrat a fait savoir à m. V. qu'il étoit maitre de sa Personne et a fait ôter les deux gardes qui étoient sans armes im Bokshorn le 7 du matin, sur quoi M. V. et sa nièce ont plié Bagage le même jour vers le soir pour se rendre à Mayence. Nous nous sommes rencontrés devant Haddersheim, puisque je venois de Mayence. M. V. m'assura, que Madame Denis avoit reçu réponce sur sa Lettre au Roi, par laquelle on lui mandoit, que le Roi désaprouvoit la Conduitte de S. et F., que le Roi n'avoit point donné ordre d'arrêter Me Denis ni M. d. V. s'il rendoit de bonne grâce ce qu'on lui avoit demandé, et que le Roi étoit très mécontent de tout ce qui s'étoit passé.
Avant que de quitter Francfort, V. a eu encore une aventure assés plaisante. Le nommé Dorn, se disant secrétaire de Freytag, se présenta au Bokshorn, pour liquider, à ce qu'il dit, avec Voltaire pour les fraix qu'il avoit causé pour les Arrêts etc. V. sans savoir que Dorn étoit devant son appartement sortit avec un pistolet, Dorn cria au secours, et courrut au plus vite à la maison de ville, se plaindre de cet attentat à sa vie demandant satisfaction et de nouveau les arrêts contre V. Il allégua en même tems deux Témoins.
V. à son tour envoia un mémoire au Magistrat en Langue latine qui fait crever de rire, se plaignant fort de la malice de ce Dorn, demandant satisfaction et réclamant en même tems les 80 Louis, que les Ministres Prussiens lui avoient enlevés et gardoient encore. Dans son Méme il dit, que son dessein avoit été d'aller de son appartement à la chambre de ses Domestiques, pour remettre à un de ses valets ce Pistolet afin de le nettoyer, que ce Pistolet n'avoit été ni chargé, ni eu de Pierre sur la Batterie, et allègue les mêmes Témoins de Dorn. Depuis son départ il a donné Plein pouvoir à un avocat, les Témoins ont déposé en sa faveur, made Denys demande pareillement satisfaction, Schmid a été cité de comparoitre, il l'a décliné, le Magistrat surseoit pour attendre la réponse du Roy sur sa Lettre, enfin le Magistrat se trouve dans une situation délicate, et je ne sais comment le tout se finira. made Denys est partie de Mayence, et Voltaire me mande il y a deux jours, qu'il souhaitteroit passer quelque tems incognito à Ff. et je lui ai offert un appartement chés moi.
J'aurai soin d'instruire Votre Excellence de la suitte et suis toujours avec les sentimens du plus profond Respect,
Monseigneur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
Varrentrapp