1739-03-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à René Hérault.

Monsieur,

Permettez que je vous renouvelle encor mes très humbles prières et ma reconnaissance.
Je crois toujours le bon ordre, dont vous êtes soutien, intéressé dans l'affaire de l'abbé Desfontaines. Il me paroit encor (en me soumettant toujours à vos lumières et à vos ordres) qu'il est plus décent pour moy, que quelqu'un de ma famille, mon neveu par exemple, officier de la chambre des comptes, dont le grand père est traité de paysan, etc. vous rende plainte contre le libelle en se désistant dans les 24 heures, et en laissant agir votre justice. C'est dans cette vue que je lui écris de vous présenter requête. Je suis toujours prest à vous en présenter une en mon nom, si vous le trouvez àpropos.

J'auray d'ailleurs l'honneur de vous avertir que l'abbé Desfontaines, agissant puissament auprès de Monsieur le procureur du Roy, prétend que vous ne pouvez pas être son juge.

Mais moy Monsieur tout ce que je souhaite et tout ce que je demande c'est que cette affaire se termine par votre autorité, soit de juge, soit d'homme du Roy chargé du repos et de l'honneur des citoyens.

Vous avez Monsieur en main les preuves qui démontrent les calomnies du sr Desfontaines. Vous ne doutez pas qu'il ne soit l'auteur du libelle infâme. Vous connaissez l'homme, vous l'avez déjà puni.

J'oserais vous demander en grâce Monsieur de daigner au moins luy parler au nom du Roy qui vous confie une partie de son autorité et d'exiger de luy un désaveu des calomnies infâmes répandues dans ce libelle. La juste crainte où il est d'un châtiment plus sévère et son respect pour vous ne luy permettront pas de se soustraire à des ordres si équitables et si modérez.

D'ailleurs Monsieur j'ay remis sur cela mes intérests entre les mains de Monsieur le marquis du Chastelet, qui veut bien avoir la bonté de s'en charger et qui joindra aux bontez infinies dont il m'honore celle de vous présenter ma respectueuse reconnaissance.

Je suis avec respect et reconnaissance.

Monsieur,

Votre très humble et très obéissant et très obligé servant

Voltaire