1767-05-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Benjamin de Laborde.

Notre Chabanon arrive, il a la plus grande opinion de mon Orphée de Versailles.
Il nous a trouvés dans un grand embarras. Si mon Orphée trouve des épines dans ce meilleur des mondes nous y trouvons des loups et des tigres. La boîte de Pandore est inépuisable. J'espère que votre belle musique adoucira les mœurs.

J'ai trouvé enfin la brochure que vous demandez. Je vous l'envoie sachant bien qu'on peut tout confier à un homme aussi sage que vous. Ces petites plaisanteries de huguenots n'ébranlent pas votre religion, elles n'ont jamais dérangé la mienne. J'ai toujours été bon sujet et bon catholique et j'espère mourir dans ce sentiment.

Je suis bien fâché que mr de Marmontel ait prétendu qu'il pouvait y avoir de la vertu chez les rois et chez des philosophes qui n'étaient pas catholiques. J'espère que la Sorbonne, qui est le concile perpétuel des Gaules, préviendra le scandale qu'une telle opinion peut donner. On dit que le révérend père Bonhomme, cordelier, prépare une censure admirable de cette hérésie. Vous qui cultivez avec succès un des plus beaux arts, vous ne vous mêlez point de querelles théologiques, vous vous bornez à faire le charme de nos oreilles et celui de la société.

Que dites vous de notre chevalier qui va faire l'éducation d'une mademoiselle de Provenchere? On m'écrit qu'elle est charmante et la vraie fille d'une mère qui l'était. Notre chevalier n'est pas un trop mauvais précepteur. Croyez vous qu'il lui permette de mettre du rouge? Pensez vous que l'esprit qu'on à la jeune enfant dégénère entre ses mains? Faites passer la brochure à ce chevalier et dites lui combien je l'aime.