à Paris ce 31 may [1760]
Mon cher et illustre Philosophe, je reçois à l'instant votre lettre du 26 mai, et je me hâte de vous remercier au nom de la Philosophie du parti que vous venez de prendre.
Tous les gens de lettres vous regardent comme leur digne chef, et vous le prouvez bien en cette occasion. J'étois un peu fâché de votre dernière lettre, j'avois cru y entrevoir un ton de plaisanterie, qui m'affligeoit pour la république, bien plus que pour moi. Je ne me souviens plus de ce que je vous ai mandé à cette occasion, je ne me souviens plus même que j'étois fâché.
Je ne vois nulle difficulté à ce que vous désirez, de faire approuver vos Elémens de Newton par l'académie des sciences. Cependant comme nous avons encore quelques sots [?laquais] cartésiens, je ne réponds pas que quelques uns ne secouent la tête. J'en parlerai mercredi à l'assemblée, je me ferai nommer commissaire, et je tâcherai que vous ayez satisfaction.
Il vient de paroitre une brochure intitulée, la vision de Palissot, dont ses protecteurs sont encore plus fâchés que lui. On se l'arrache, & les protecteurs ont fait mettre le vendeur en prison. Il y a aussi des notes excellentes sur la Prière du déiste. Mr de Pompignan finira par être obligé de s'en aller à Pompignan, retourner sa terre et ses Georgiques.
Avez vous lu les si& les Pourquoi? Il me semble que cela est bon?
Le R. de Pr. m'a envoyé l'édition qu'il a fait faire de ses œuvres. Il me semble que l'Epitre au ma͞al Keith est à peu près telle qu'elle étoit. Ainsi il n'y a pas trop à crier contre lui.
On dit qu'on va jouër sur le théâtre de la Comédie la pièce de l'Ecossoise. Je remercie l'auteur, quelqu'il soit, de la manière dont il a parlé de l'Encyclopédie dans sa préface. A dieu, mon très illustre et très aimable Philosophe, je vous embrasse de tout mon cœur. Je voudrois bien vous embrasser réellement, mais cela ne me sera pas possible; au moins cette année. Mes respects à made Denis.