à Paris 11 juin 1760

Mon très cher et très illustre Philosophe et maire,

1. je me suis acquitté de vos commissions pour M^r Tiriot, & j'espère qu'il y fera droit, s'il ne l'a fait déjà.

2. Il n'est pas surprenant que vous ne [vous] souveniez plus des impertinences que mad^e du Deffand vous a écrites contre moi; pareilles sottises sont faites pour être oubliées, ainsi que la satyre qu'elle fit courir contre mad^e du Chatelet après sa mort; mais comme elle est aussi étourdie que méchante, elle m'a fait lire ce qu'elle vous écrivoit sur mon compte (il y a environ 15 mois); depuis ce tems j'ai cessé d'aller chez elle, et je la méprise comme elle le mérite.

3. Je suis bien de votre avis, il faut rire de toutes les sottises que nous voyons, même quand on a le malheur d'avoir le nez dessus, & à plus forte raison quand on en est à cent lieües.

4. On dit (ce que je ne saurois croire) que m^r de Choiseuil avec qui vous croyez être si bien, est l'ami de Palissot bien plus que le vôtre; on prétend qu'il a donné secrettement la plus grande protection à la pièce. Si cela est (ce que je ne crois pas encore une fois) vous devriez bien lui en faire honte, & lui en écrire deux mots.

5. Ce n'est pas l'union qui manque aux frères; mais ils sont pieds & mains liés. Comment voulez vous qu'ils se défendent? On vient de mettre en prison le libraire qui a vendu la vision de Palissot, on cherche l'auteur, & on parle de le mettre à Bissêtre; je prétends que c'est apparemment pour qu'il écrive plus à son aise la vie de Palissot, sur la quelle il doit trouver d'amples mémoires dans les grandes chroniques de la maison. Il sera à portée des Registres, et pourra les compulser.

A dieu mon cher & illustre maître, on attend de vous le ridiculum d'abord, & le coup de foudre ensuite. Avez vous lu le mémoire de m^r de Pompignan en réponse aux Quand? Cela est curieux. On dit que vous avez Marmontel chez vous; je le félicite & lui porte envie. Faites luy, je vous prie, mes complimens, & ne m'oubliez pas auprès de mad. Denis. Iterum vale.