ce 1er juillet [1760]
Je trouve, mon cher Philosophe, que deux ans de séjour aux Champs Elisées ont très bien fait au cousin Vadé, et que pour cette fois seulement
Cette pièce fourmille de vers à retenir; Tout le monde les sçait par cœur, & il n'y a de bons vers que ceux qu'on retient.
J'ai grondé Tiriot, et vous devez avoir reçu le mémoire de mr le Franc de Pompignan, qui depuis que les Quand l'ont foutu, a foutu le camp de l'académie françoise, & ne vient plus qu'aux services des académiciens morts, parce que c'est, dit-il, un devoir de Chrétien.
Encore une fois, mon cher Philosophe, soyez sûr que made de R. n'est qu'un prétexte à la persécution; soyez sûr qu'on a accordé de tout temps à Palissot la protection la plus éclatante, soyez sûr qu'on a fait joüer sa pièce, et que nul autre ne l'a fait joüer, soyez sûr qu'on est bien démasqué, et que voilà ce qui déplait, soyez sûr qu'il n'y a pas une âme à Paris qui prennent le change sur cela, soyez sûr qu'on vous ménage & qu'on vous trompe parce qu'on vous craint, & que vous n'avez rien à craindre, & qu'on persécute les gens de lettres parce qu'on est jugé et estimé ce qu'on vaut.
Je n'ai rien à ajouter à ce que je vous ai dit de made du Deffand; soyez sûr encore qu'elle est à la tête des partisans de la Pièce, qu'elle protège et goûte beaucoup les feuilles de Fréron, qu'Elle trouve l' Ecossoise une bien mauvaise pièce, & qu'elle applaudit fort à une mauvaise critique qu'on dit que Freron en a faite. Soyez sûr que c'est une méchante femme, jalouse, médisante, et Tyrannique, qui ne mérite pas le tems que je perds à vous en parler, et dont je ne vous parlerai plus.
J'ai entendu faire beaucoup d'Eloges de vos deux lettres à Palissot, je ne les ai vües ni l'une ni l'autre; je vous remercie pour la bonne cause.
Après tout, mon cher ami, il faut toujours en revenir à la phrase académique. Il n'y a que cela de bon. Les sottises des hommes ne méritent pas autre chose, & je ne vous aurois pas étourdi de l'opprobre de notre littérature, sans l'intérêt que vous m'avez paru y prendre. J'attends la paix avec impatience pour voir quel parti je prendrai, mais soyez sûr que je ne me mettrai de ma vie au service de personne.