[23 June 1760]
La poste part; je n'ai que le temps de vous dire, mon Cher ami, que vous ne sçavez ce que vous dites, que je sçais mieux que vous l'avanture de Robin, et les sentiments de ceux qui l'ont fait Coffrer, et le tort extrème qu'on a eu de fourer made la princesse de Robec dans une querelle de Comédie, et qu'on trouve à Versailles le mémoire de Pompignan aussi sot qu'à Paris, et qu'un Compliment de Mr de la Vauguion n'est qu'un Compliment; et qu'il ne faut point s'allarmer; et que les bons cacouacs auront toujours le public pour eux, et qu'il faut rire.
Par quelle fatalité me dit on toujours, vous avez lû le mémoire de Pompignan, que dites vous de ce mémoire, et de sa généalogie? et personne ne me l'envoye, et je suis tout honteux.
J'ai reçu une grande Lettre de Jean Jaques Rousseau, il est devenu tout à fait fou; c'est dommage. J'ai Commencé ma Lettre mon Cher ami, par ces beaux mots, Vous ne sçavez ce que vous dites, j'ajoute à présent, que vous ne sçavez ce que vous faittes, car il vaudrait bien mieux venir aux Délices dans la Chambre des fleurs, que d'aller chez un médecin, dont vous n'avez pas besoin, puis que vous ètes gros et gras. J'ai vû Marmontel, il est gros et gras aussi, et de plus m'a paru fort aimable. Il soutient sa disgrâce en homme qui ne la méritait pas.
J'ai la vision, j'en ai deux éxemplaires, mais pour Dieu faites moi avoir Mosé's Legation, et l' interpretation de la nature; je suis dans un Commerce très vif avec le bienheureux Palissot; je lui ai écrit une Lettre paternelle en dernier lieu dans laquelle je lui propose de faire une rétractation publique.
Adieu, adieu, une autre fois je vous en dirai d'avantage, mais il faudrait venir chez nous; je vous embrasse tendrement.
le suisse V.