1758-10-06, de Marie Louise Denis à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

J'avais l'honneur de vous écrire Madame quand votre lettre m'est parvenue.
Elle a renouvelé tous mes regrets. L'ecsès de vos bontez pour moi ne peut plus ajouter aux sentimens que vous m'inspirez, et vous m'auriez batu que je vous aurais aimée. Non je ne me persuade pas que je vous reverai plus, cette idée ferait le malheur de ma vie. Le chapitre des événemens est souvent bien étandu. Peut être s'y trouvera t'il encor quel que ligne en ma faveur. Je sens que la Suisse n'est pas assez heureuse pour vous posséder, je dis plus, des bourgeois ennuieux ne peuvent vous convenir. Il n'y a qu'une indiférence extrême pour le monde et une amitié inaltérable pour mon Oncle qui puisse me faire aimer ce païs. Mais l'homme avec le quel j'ai le bonheur de vivre me dédomage de tout. Vous Madame qui êtes faites ou pour les Cours, ou pour régner chez vous, qui savez captiver les Coeurs malgré l'envie et tous vos malheurs, vous qui aimez encor le monde par ce que vous lui plaisez, je sens que Lauzane vous aurait été insuportable. N'en parlons plus, mais si tous vos progets ont lieu, souvenez vous un jour des environs de Geneves et soiez sure que l'oncle et la nièce sont à vous pour jamais.

Non Madame je ne crois pas que la France ait abbandonné Marie Therese, soiez sûre que c'est une terreur panique de la Cour de Viene qui n'a nul fondement. Nous ne serions point à Anovre si nous rompions notre aliance, et si nous manquons de généraux nous avons encor du moins de la bonne foi. Nos ministres ne détruiront pas leur ouvrage, je parirai ce qu'on voudra que la nouvelle est fosse. Je voudrais que l'on banit la défiance, elle n'est bonne qu'à tout gâter. A l'égard de la quadruple alliance je la souhaite mais je n'en crois rien.

Je verai Madame avec un plaisir extrême la personne que vous daignerez nous envoier de votre part. Mon Oncle n'a encor rien descidé pour les deux terres qui me donnent tant d'inquiétude, j'espère qu'il attandra pour se déterminer que vous aiez vu Craon. Pour moi j'ai beaucoup de peine à le faire pencher pour un lieu plus tos que pour un autre. Il est heureux ici et très heureux. Nous avons à Geneves quelques hommes très aimables et qui sont nos amis, avec beaucoup de livres, une assez bonne maison, et Mon Oncle que j'aime de tout mon Coeur. Je m'abandonne à la providance et je me trouve heureuse.

La marquise de Genti est arrivée hyer au soir, elle ne me consolera point de votre apsence Madame et nous avons beaucoup grondé le marquis de vous avoir si promtement déterminé à nous quiter. Je vous prie en grâces de me conserver vos bontez; si j'étais libre j'irais vous les demender. Vous serez toujours présante à ma pensée et mon coeur vous suivra dans tous les lieux que vous habiterez. Ma soeur me charge de vous assurer de son dévouement et de vous présenter ses homages. Nous vous regretons, nous vous respectons et nous vous adorons.

Domard et mon neveu vous présantent leurs très humbles respects. Permettez moi de dire à Monsieur d'Aunope que je veux qu'il ait de l'amitié pour moy par ce que j'en ai beaucoup pour lui.