de Paris ce 5ème9bre [1750]
Ne m'accusez point de paresse, je ne peut pas l'être avec vous, vous m'inspirez trop d'amitié, mais j'ai été malade, ensuite à la campagne et obligée d'écrir presque tous les jours à Mr de Voltaire.
Enfin je vous reverai cet yver Monsieur et je ne r[en] once point encor à ce joli tableau que vous me faites d'une vie douce et phylosophe dont je pourais passer une partie dans cette jolie terre que vous habitez actuelement trop longtemps pour une femme qui voudroit vous voir à Paris. Mon oncle est toujours plus angoué que jamais de ses roys et de ses princesses. Je l'attends ici à la fin du mois. Comme il a beaucoup de progets de voiage et que je ne peux pas mener la vie d'un postillon j'attendrai qu'il ait fait toutes ses caravanes pour le joindre et comme cela pouroit bien aller à deux ans parce qu'il progete un voiage d'Italie, vous voiez que j'ai du temps devant moi et qu'il changera peut être de sentiment plus d'une fois avant ce temps là, mais je ne peux compter sur rien que je ne l'aie vu et entendu. Vous sçavez que sa charge d'historiographe est donnée. Nous allons rejouer des tragédies cet yver. Je vous avoue cependant que je n'ai pas le Coeur guai mais il le désire et peut être cela fera t'il que nous le retiendrons plus longtemps.
Je vous rendrai bon compte de votre opera à votre retour et si c'est Ramau ou Mondonville qu'ill l'ont vous n'aurez rien à me dire mais vous n'en sçaurez pas un mot que vous ne soiez ici. Ne me sachez pas mauvais gré de ne vous avoir point écrit. Je vous jure que je ne vous en aime pas moins et qu'il n'y a pas de jour que je ne songe à vous, mais je suis si troublée, j'ai tant de chause qui m'agite que si vous m'aimez vous me pardonnerez. L'abbé du Renel est il auprès de vous? Il m'a écrit et je ne sçai où le prendre. Je voudrai bien qu'il fût ici, je n'ai jamais eu tant de besoin de vous et de lui. Adieu, aimez moi toujours et revenez le plus promptem[ent] qu'il vous sera possible. C'est le plus grand plaisirs que vous puissiez me faire et le plus grand service que vous puissiez me rendre. Envérité je fais pitié.