1757-12-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Il y a mon cher monsieur négociation et négoce.
Voicy d'abord pour le négoce. Il n'est pas honnête de commencer par là mais c'est charité bien ordonnée. Je vous envoye donc 6664 tournois en billets d'Andaloux échapez à des naufrages. Cette petite partie jointe à la dernière et aux vingtcinq mille tournois de la Leu pouront servir à payer quelques meubles dont madame Denis a voulu orner son palais de Lausanne. Voilà bien de la magnificence pour des Suisses.

Notre baron de Grancour doit être plus magnifique. Nostra senora del Pillar a répandu plus de grâces sur luy que sur moy. Je me flatte aussi que vous n'avez pas à vous plaindre de la vierge.

Quant à la négociation, je soupçonne que la lettre de made la markgrave est déjà en chemin, mais cette première ne sera qu'une lettre de compliment. Si vous voulez me faire tenir la réponse, je la ferai passer avec sûreté et promtitude par la Franconie, et je vous adresserai celles qui pouront venir de ce pays là en cas que cette voye convienne à la personne sage et respectable à qui je vous prie de présenter mon respect.

Je souhaitte fort que mr et me de Montferrat se souviennent de moy avec bonté. J'aurais bein voulu leur faire plus longtemps les honneurs de votre ferme.

Il me parait que tout Geneve prend des rentes viagères. Pour moy, je n'en ai que trop. C'est bien assez de planter à mon âge.

Comment se porte mr de Gauffecour? Je voudrais bien qu'il sût combien madame Denis et moy nous nous intéressons à sa santé. Je luy écrirai s'il aime qu'on luy écrive. J'ay bien des raisons de l'aimer, je luy dois le bonheur de vous avoir connu.

V.

Nous attendons demain vendredy des nouvelles bien intéressantes d'Allemagne.

Je sçais historiquement que la cour de Versailles est toutte à la maison d'Autriche, et qu'il est bien délicat d'entamer quelque négotiation qui donnerait de l'ombrage à ceux qui ont l'intérest le plus puissant de seconder aveuglément la cour de Vienne. Je ne crois pas d'ailleurs qu'on puisse traitter sans elle. Comment se soutiendrait on dans le pays d'Hanovre si on offensait un allié si nouvau et qui va devenir si considérable? Tout cela est entouré d'épines. Je ne fais des vœux que pour le bonheur public. Pourquoy faut il que le roy de Prusse ne se soit pas résolu à faire des sacrifices? Mais . . . j'aurais bien des choses à dire qu'on ne peut guères confier au papier. Cependant . . . .

Adieu.