à Lauzanne 25 février [1755]
Je viens de Monriond où j'ay été madame tout exprès vous.
Il faut y mettre les massons. La maison ne sera prête que vers le commencement de juin. Pour que vous y fussiez à votre aise, et que vous pussiez y soufrir ma nièce et moy, il faudrait y bâtir une aile. Cette maison peut avoir un grand agrément. C'est qu'un comte de la Lippe y a logé. J'en suis en possession. Vous pourez au mois de juin y venir. Vous y trouverez des lits, et tout le nécessaire et vous vous orienterez. Vous choisirez où vos poserez vos tabernacles.
Si vous voulez louer à Lauzanne une belle maison, commode, agréable, avec une vue sur la lac, une terrasse dont on découvre dix lieues de pays, un jardin, une orangerie, écurie pour dix chevaux, remises pour quatre carosses, etc. etc., elle vous coûtera deux mille livres du pays par année qui font environ 500 Risdalers. Vous en êtes la maîtresse. J'ay la parole du propriétaire qui s'appelle Gran en son nom, banquier très renommé, qui le premier s'est avisé dans ce pays cy de faire inoculer son fils.
Vous pouvez je croi trouver à Vevay une maison à meilleur marché. Mais je pense que vous ne trouverez rien de si beau, et que Lauzanne est la seule ville de ce pays cy qui vous convienne; vous y trouverez baucoup de société et vous n'y aurez nulle gêne, il y a bien de l'esprit, bien de la philosofie et point de superstition. Vous jouïrez dans la maison que je vous propose, des agrémens de la ville et de la campagne. La maison est chère encor une fois. Ce que j'ay acheté auprès de Genève est baucoup plus cher. Il ne s'agit que de payer son plaisir. Décidez vous madame; daignez me mander vos résolutions.
Autre façon de se retourner; il y a auprès de Monrion, une campagne nommé Prélas aux portes de Lauzanne. Elle appartient à un homme de ce nom. Elle est à peu près du prix de Monriond. Elle poura vous coûter deux cents risdalers de loyer par an. Il y a des meubles, quelques lits. Tout cela est fort propre. C'est ce qui vous conviendrait le mieux. Vous pouriez habiter la maison toutte à l'heure. On vous la louerait pour neuf ans. Vous auriez un joli jardin à la mode du pays. Vous mettriez à votre loisir dans la maison les meubles convenables. Voylà madame pour tout ce qui vous regarde. Ce qui me regarde moy c'est d'être assez heureux pour finir mes jours dans votre voisinage. Donnez vos ordres à Geneve à Voltaire gentilhome orde de s. m. t. c. Vos ordres me seront chers toutte ma vie.
V.