à Prangin 14 février 1755
L'état de ma santé, Monsieur, ne me permet pas, comme vous voïez, de répondre régulièrement, et demande de l'indulgence.
Les attentions dont vous m'honorez, me font un devoir de vous informer que j'ai acquis la possession de St Jean auprès de Genêve. Ma nièce, qui est encor un peu parisienne, n'a pu résister aux agréments d'une maison et d'un jardin qui égalent ce qu'il y a de plus agréable dans les environs de Paris. Nous n'avons trouvé ni auprès de Lyon, ni auprès de Dijon, encor moins en Alsace, rien qui aprochât de cette situation; hic angulus ridet. Mais je voudrais avoir aussi Monrion. Je voudrais tenir à la liberté de tous les côtés, et terminer mes voyages à me promener d'un bout du Lac à l'autre. Si Mr Panchaud, propriétaire de Monrion, n'est pas trop difficile, j'aurai bientôt conclu ce marché. Je me flatte que vous y viendrez philosopher avec moi. En qualité de malade et de philosophe je suis vir paucorum hominum. Vos lettres me donnent une extrême envie de vous voir; notre connaissance est faite; et vous pouriez compter être chez vous quand vous me feriez l'honneur de venir chez moi. On m'avait proposé aussi une maison à Vevay, et peut-être m'en accomoderai-je, si le marché de Monrion ne réussit pas. L'habitation auprès de Genêve sera pour l'Eté; celle de La Suisse sera pour l'hiver, et je chercherai dans toutes les saisons à vivre avec un homme de votre mérite. J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre trèshumble et très-obéissant serviteur.