1763-04-26, de Charles Esaie Chandieu de Chabot à Baron Albrecht von Haller.

Monsieur mon très honoré Patron,

A son retour des Salines Mr de Granci me dit que vous étiés disposé à marchander le bien de Monriond.
Je ne puis vous exprimer Monsieur, avec quel Zèle j'ai travaillé à un objet qui m'intéresse si particulièrement, cette campagne étant presque à la porte de Lausanne. Pour la connoitre je me suis informé d'un honeste homme à qui elle [a] appartenu. La maison est spacieuse Et le séjour qu'i fit Mr de Voltaire l'a ornée de quelques cheminées de Marbre. Elle a peu de Vüe n'y ayant qu'un réz de chaussée élevé seulement d'une douzaine de marches ou Environ, ce qui donne un plain pied qui ne peut servir qu'à quelques aisances, et non à habiter. Cette maison est bâtie en hôtel ayant deux ailes du côté de la cour.

Le Domaine consiste en deux beaux et bons vergers placés simétriquement à droit et à Gauche d'une jolie avenüe et dans un même maz il y a des prés et une vigne de 6 poses 1/2 entourée de muraille des trois côtés extérieurs, et d'une haye du côté des prés.

Les prés rendent par communes années au moins trente chars tant foin que reguin, mais la vigne est, ce me semble, trop plate pour être d'un grand raport et pour produire de bons vins, je puis le présumer parce qu'une longue expérience m'a apris à connoitre de ce genre d'oeconomie. Mais je ne sai rien à cet égard de bien positif parce que la personne qui l'a possédée n'en n'a jouï qu'une année dont la prise fut médiocre et qu'une seule année ne prouve rien.

Tout le domaine n'est chargé que d'une coupe de froment de cens, Et n'a qu'une pose de Vigne sujette à Dime, le reste est franc de tout, ce qui est assés rare en ce pays ci.

Enfin le bien peut valoir trente mille francs de 10 bz pièce entre deux frères. Voilà, Monsieur, ce que j'ay pû savoir de certain, et soyés persuadé que j'ai fait abstraction de l'honneur et du plaisir de vous avoir pour voisin dans le compte que je viens de vous rendre des détails de Monriond. Si vous en souhaittés de plus particuliers, soit de la maison, soit du domaine, disposés je vous suplie de celui qui a l'honneur d'être avec le plus parfait dévoument

Monsieur mon très honnoré Patron

Votre très humble et très obeïssant serviteur

Chabot Chandieu

Permettés moi Monsieur d'offrir mon respect à Madame la directrice et à votre belle famille.

P. S. Tout le monde ignore la commission dont vous m'avés honnoré, mais étant dans l'habitude d'écrire mes lettres le matin et de ne les fermer que le soir, je m'en suis félicité en cette occasion, ayant apris dans une assemblée que je viens de quitter, que Made notre baillive Tscharner, devoit marchander Monriond pour un de ses amis. J'ai crû devoir vous en informer, souhaitant Monsieur que vous soyés cet ami, afin que la pluralité de chalands ne rende pas le vendeur plus dificile.