1772-08-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sir William Chambers.

Monsieur,

Ce n’est pas assez d’aimer les jardins ni d’en avoir; il faut des yeux pour les regarder, et des jambes pour s’y promener.
Je perds bientôt les uns et les autres, grâce à ma vieillesse et à mes maladies. Un des derniers usages de ma vue a été de lire votre très agréable ouvrage. Je m’aperçois que j’ai suivi vos préceptes autant que mon ignorance et ma fortune me l’ont permis. J’ai de tout dans mes jardins, parterres, petite pièce, d’eau, promenades régulières, bois très irréguliers, vallons, prés, vignes, potagers avec des murs de partage couverts d’arbres fruitiers, du peigné et du sauvage; le tout est petit, et fort éloigné de votre magnificence. Un prince d’Allemagne se ruinerait en voulant être votre écolier.

J’ai l’honneur d’être avec toute l’estime que vous méritez,

monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire gentilhomme ord. de la chambre du roi de France