[30 November 1754]
…Nous parlons de vous avec m. de Voltaire qui ne cesse de se louer des bontés qu'on a eues pour lui à Senones.
Il chante vos louanges et celles de votre cher oncle…. C'est, selon lui, le premier savant de l'Europe. Le jugement d'un homme d'un aussi grand esprit vaut seul tout ce qu'on peut dire. Pour vous, monsieur, il vous honore beaucoup. Si j'étais, me disait-il, un an avec m. le coadjuteur, je deviendrais bientôt savant; il a sa bibliothèque dans sa tête. Je n'avais qu'à lui demander quelque chose, il le trouvait à l'instant. Il m'a dit qu'il avait fait remettre chez de Bure ses livres anglais pour qu'il vous les envoyât…. J'ai appris d'un savant que les pensées les plus saillantes et les plus neuves qu'on lit dans Voltaire, sont toutes prises chez les Anglais. Ce sont des penseurs qui exercent, plus que chez nous, les facultés de l'âme. Le français a trop de feu pour réfléchir autant qu'il faudrait. Nous n'avons que deux hommes qui aient médité: Descartes et Malebranche….