à Berlin [c. 30 August 1751]
Sire, le fait est qu'un anglais atrabilaire vient d'émouvoir ma bile. Cet homme dans un écrit pédantesque reproche à l'autheur des mémoires de Brandebourg de se contredire, et sa preuve est que l'illustre autheur loue et blâme les mêmes personnes, croit que la réforme était nécessaire dans l'église et ensuitte avoue les fautes des réformez etc. Si je voulois moy, louer l'auteur de ces mémoires, je me servirais des mêmes raisons que cet anglais aporte contre luy; il faut avoir une tête bien enivrée de l'esprit de party, et de l'esprit de sistème pour exiger qu'un historien, aprouve ou condamne sans restriction. Est il possible que ce critique n'ait pas senti combien il est digne d'un philosophe et d'un homme qui est à la tête des autres de peser le bien et le mal, d'estimer dans Louis 14 ce qu'il avait de grand, et de montrer ce qu'il avait de faible, d'aprouver la réforme, et de faire voir les défauts des réformateurs? Mais un anglais veut qu'on soit toujours partial, ou tout wig ou tout tory, et la raison, qui est impartiale, ne L'accomode pas. J'ay bien envie de m'escrimer contre cet impertinent, et de me moquer de luy, il le mérite, mais il n'en vaut pas la peine.
Votre majesté arrange àprésent des bataillons en attendant qu'elle arrange des strophes et des périodes. Ses odes l'attendent à Potsdam à moins qu'elle ne veuille m'en envoyer quelqu'une de Silésie.
Je me mets aux pieds de votre majesté.
V.