1769-12-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Joseph Audra.

Mon cher philosophe, j'espère que Cicéron la Croix fera rendre une pleine justice au client qu'il protège.
Je salue son éloquence; la bonté de son cœur fait tressaillir le mien. J'espère tout de vos bontés et des siennes. Je me flatte que le parlement saisira cette occasion de faire voir à l'Europe qu'il sait consoler l'innocence opprimée. M. Shérer, banquier de Lyon, doit avoir fait tenir quinze louis à Sirven pour l'aider à soutenir son procès. Je lui ai donné l'adresse de m. Chauliac, procureur. Je vous prie instamment de vouloir bien vous faire informer si cet argent a été remis à Sirven.

Il y a longtemps qu'on a envoyé un paquet pour vous, suivant vos ordres, à l'adresse que vous aviez donnée. L'état déplorable où je suis ne me permet pas de dicter de longues lettres; mais l'amitié n'y perd rien.

J'aurai l'honneur de répondre à mademoiselle Calliope de Vaudeuil, dès que la fièvre qui me mine pourra être passée. Malgré ma fièvre, voici mon petit remerciement que je vous prie de lui communiquer:

A mademoiselle de Vaudeuil

La figure un peu décrépite
D'un vieux serviteur d'Apollon
Etait dans la barque à Caron,
Prête à traverser le Cocyte;
Le maître du sacré vallon
Dit à sa muse favorite:
Ecrivez à ce vieux barbon;
Elle écrivit; je ressuscite.