à Petersbourg ce 26 d'août [6 September n. s.] 1761
Monsieur,
J'ai receu les deux lettres que vous m'avés fait l'honneur de m'écrire, du 8 et du 11me Juin.
Je ne saurais assés vous remercier de tous les sentimens que vous me marqués. Je les attribue à votre Zêle, pour la gloire de Notre Monarque. Jugés par là, Monsieur, de la vivacité de ma reconnaissance, et de tous ceux qui en doivent à la mémoire de Pierre le grand.
Je suis au désespoir, que parmi les remarques que j'ai pris la liberté de vous envoyer, il y en ait tant d'inutiles. Un de nos académiciens que J'avais chargé de faire traduire quelques mémoires relatifs au sujet, et qui a fouillé avec une avidité pédantesque, s'est fait une loi inviolable à l'égard des noms propres, et de plusieurs petites particularités, qui ne méritent point ni votre attention, ni l'intérêt de l'histoire. Je vous proteste que j'ai disputé là dessus, mais il a su me vaincre par ses argumens scolastiques et m'a privé des précautions que je prenais de vous épargner la peine d'examiner ces puérilités. Encore une fois Monsieur, Je vous en demande mille pardons. Je remets tout à votre discernement, ainsi que les remarques sur les fautes typographiques, et les copies que J'ai eu l'honneur de vous envoyer. A l'avenir Je ne me contenterai pas de corriger, et de rédiger come je l'ai fait Jusqu'ici, mais je travaillerai moi même à tout ce que je vous enverrai. Ce ne sont pas mes occupations qui me détournent de l'honneur d'être votre copiste, c'est la défiance que J'ai en mes lumières, voilà ce qui me force à recourir à des gens, qui par le titre qu'ils portent mériteraient ma confiance.
Permettés moi, Monsieur, de vous dire que je n'ai trouvé dans aucune de nos histoires ni géographies qu'il soit fait mention d'une Russie noire, et je ne sais d'où Mr de la Martinière a pu tirer cette dénomination.
Je rougis à chaque période de votre lettre, plus confondu par vos politesses que par vos reproches. Je m'en veux plus encore à moi même, qu'à mon amateur de consones. Je vous avoue que vos souhaits pour cet home m'ont fait beaucoup rire. Vous êtes admirable en tout, vous faites pleurer, et rire quand il vous plait.
Je suis très mortifié, Monsieur, que vous vous imaginiés qu'on cherche à vous dégoûter de votre ouvrage, en vous chagrinant mal àpropos. Soyés persuadé que si vous avés des ennemis, ce n'est qu'à vos mérites que vous devés vous en prendre. Je ne crois pas que vous en ayés ici, du moins sont ils très cachés. Je ne manquerai pas de vous procurer telle lettre que vous souhaités, pour attester la vérité de votre ouvrage. Dictés la moi, vos ordres seront exécutés avec tout le Zêle et les sentiments de l'attachement inviolable, avec lequel J'ai L'honneur d'être
Monsieur
Votre très humble et très obéissant Serviteur
J. Shouvallow