1775-03-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Bernard.

Monsieur,

Monsieur De La Lande m'a instruit des particularités du ciel, et vous voulez bien m'aprendre celles de la terre.
Je suis pénétré de vos bontés comme des siennes.

J'ai fait bâtir dans ma petite colonie, il y a près de quatorze ans, des colombiers et des dépendances, en terre que vous appellez pizey. Ces bâtiments se sont soutenus avec tant de solidité, que quand j'ai voulu y faire des changements on a coupé des pans de mur entiers sans que le reste se soit démenti d'un pouce; et pendant qu'il a fallu rétablir ailleurs des pilastres de pierre de taille qu'on appelle molasse, on n'a jamais été obligé de retravailler à mon pizey. Ce n'est pas pour moi, apparamment que l'écriture a dit, vœ vobis qui œdificatis domos luteas, c'est pour Mr Henin, résident de France à Genêve, qui a voulu entourer son jardin de pizey. Tous ses murs sont tombés, il a été réprouvé en cette partie, et moi élu.

J'avais déjà recommencé à bâtir de cette façon lorsque j'ai reçu, Monsieur, la Lettre dont vous m'honorez du 7 Mars. Je suis pénétré de reconnaissance. Tout est commencé. Je me suis un peu hâté parce que j'ai quatre vingt et un ans.

Permettez moi de recourir à vos bons offices, s'il arrive malheur à mes maisons.

J'ai l'honneur d'être avec une respectueuse reconnaissance

Monsieur

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhome orde du Roy