1762-05-12, de Count Ivan Ivanovich Shuvalov à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Voici enfin quelques remarques, dont Je vous ai parlé depuis si long tems.
Celles qui concernent la condamnation du Czarevitz ne sont proprement que des réponses ingénües aux questions que vous me faites. En me reposant plus que jamais sur vos bontés pour moi, Je vous suplie d'être persuadé que Je ne compromets en rien ni vous ni la vérité, et que la gloire de l'historien m'est extrêmement chère. Je vous ai détaillé dans ma précédente les raisons qui m'obligent plus que jamais à ménager mes ennemis. En un mot Je vous conjure Je vous prie, de ne faire rien, qui puisse me faire préjudice, et sur tout de ne pas vous rallentir dans votre illustre entreprise. Les aplaudissemens du public vous doivent dédomager des cris de l'envie. Vos enemis ne ressemblent tout au plus qu'à ces insectes domestiques qui cachés derrière la cheminée font entendre pendant la nuit une voix aiguë, qui sans empêcher absolument de dormir ne laisse pas d'incomoder.

Je vois par la lettre où Vous me marqués le départ de mr de Solticoff qu'il ne vous a rien fait apercevoir du dessein peu louable qu'il a formé de quiter pour jamais sa patrie. J'espère que vous avés receu ma dernière lettre, et que vous avés eu la bonté de lui faire parvenir celle qui y était jointe; Je me flate que la force de vos exhortations bien plus que mes remontrances le ramèneront à son devoir.

Mon cousin comte Schouvallow, Maréchal et grand Maitre d'artillerie, pour qui vous me chargés de vos complimens est mort il y a trois mois, et son fils chambellan votre plus zélé admirateur, est à Moscou.

Il me tarde de pouvoir vous asseurer personellement des sentimens inviolables d'estime, d'attachement et de reconnaissance avec lesquels je serai toute ma vie

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

J. Schouvallow