1759-12-23, de Count Ivan Ivanovich Shuvalov à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

J'ai eu l'honneur de recevoir votre lettre de 20 de 9bre.
Les sentimens d'estime et de reconnoissance que je vous dois à tous égards seraient augmentés si je pouvais y ajouter. Je vous assure Monsieur que rien ne me flate davantage que l'honneur de votre connoissance: Je suis extrêmement fâché de ne pas recevoir encore l'envoi que vous me faites parvenir par Mr de Kayserling, il en a chargé deux Comtes Hongrois qui viennent ici à Peterbourg. Leur arrivée paroit encore éloignée. J'ai envoyé une estafette à Warsowie pour leur prendre ce que vous m'avés destiné, et que je désire tant d'avoir, et dont je vous fais mille remerciemens.

Les bontés dont vous honorés Mr de Solticoff vous asseurent l'obligation de sa famille, et la miene particulièrement. Le portrait avantageux Monsieur qu'il vous a fait de moi, est l'effet de l'amitié que ce jeune homme me porte. Je crains qu'elle ne vous fasse un éloge au quel Je pourrais mal répondre. Si j'ai l'avantage d'avoir part dans votre souvenir c'est tout ce que je pourrais désirer. Je sens moi même Monsieur combien je dois vous déplaire par ce retard d'envoyer les matériaux, qui arrêtent votre travail précieux et si utile pour le genre humain; mais les difficultés que j'éprouve sont autant pénibles à concevoir qu'à les décrire; cependent je ne néglige rien pour pouvoir contribuer à votre entreprise. C'est moi Monsieur proprement qui dois me nomer votre secrétaire, Titre qui me flate beaucoup plus que ceux qu'on acquiert par la fortune, qui ne brillent qu'aux yeux du vulgaire. Votre amitié pour moi me flate plus que la faveur des grands, elle est d'un prix bien plus inestimable, et je serai bien heureux de pouvoir vous convaincre de la mienne. Si mon estafette courre aussi vite que mes désirs, Je recevrai bientôt les nouveaux gages de votre affection pour moi. Je les attens avec la plus vive impatience. J'espère dans peu vous envoyer des matériaux étant toujours avec les sentimens de respect et de la plus parfaite considération

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

J. Schouvallow