1761-12-08, de Count Ivan Ivanovich Shuvalov à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je n'ai pas osé vous interrompre par mes lettres dans vos importantes occupations.
Quelle fut ma surprise en recevant presque dans le même tems vos trois lettres! Quelle reconnaissance ne vous dois je pas Monsieur! Outre les services que vous rendés aux mânes de notre monarque, et à la gloire de son peuple, outre les bontés particulières que vous avés pour moi, vous sacrifiés encore des momens pour m'en doner des preuves dans le tems que le vaste Empire des lettres attend avec impatience de votre généreuse entreprise, les oeuvres du grand Corneille. Je vous avoue, Monsieur, que tant d'amitié me confond, vous la poussés jusqu'à me faire désespérer de pouvoir la mériter.

Je ne manquerai le plutôt qu'il me sera possible de vous renvoyer ce cahier que vous avés eu la bonté de me faire parvenir, avec quelques remarques que J'oserai soumettre à votre Jugement. Vous pourrés être persuadé Monsieur que rien ne sera attesté que par la vérité. Je ne veux pas abuser de vos bontés ni compromettre le plus grand historien de l'Europe.

J'arrangerai tellement notre Corespondence que M. Solticoff enverra par Estafette à Notre Ministre à Vienne, qui ne manquera pas de me dépêcher avec les premières occasions.

C'est le Comte de Chernicheff, notre plénipotentiaire du Congrès, qui aura cette comission. Il est mon ami, et par conséquent votre serviteur. Il a l'avantage sur moi de vous avoir connu à Berlin. Je serai charmé et lui aussi s'il peut être utile à vos ordres.

A l'égard de l'ouvrage Je laisse à votre bon plaisir de le faire in 4., ou en deux volumes in 8.. Tout ce que vous jugerés à propos ne saura que nous être agréable.

Je me flate avec le premier courier ou une Estafette vous écrire plus compl[è]tement sur plusieurs points de vos ordres et de vos instructions pour moi.

J'ai l'honneur d'être inviolablement avec les sentimens que je vous ai voués

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

J. Schouvallow