1759-10-27, de Count Ivan Ivanovich Shuvalov à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je vois avec bien du regret par la dernière que vous m'avés fait l'honneur de m'écrire la confirmation de ce que l'on m'avait déjà mandé de Königsberg que L'estafette chargé d'un paquet pour vous à été perdu.
N'attribués je vous prie monsieur qu'à cet événement le retard où je me trouve. Je viens de tirer une copie de tous ces matériaux & des réponses aux questions que vous m'avés proposé monsieur. J'espère pour cette fois que le paquet vous parviendra sûrement. Vous ne devés pas douter combien je désire avec impatience le premier volume de l'histoire de nôtre héros que vous avés la Complaisançe de m'annonçer; L'univers verra donc enfin le monument le plus glorieux érigé par la main la plus habile: je me prépare en attendant Monsieur au plaisir de recevoir dans peu les précieux manuscrits dont vous daignés illustrer ma bibliothèque & je vous en remercie d'avançe: la confiance que vous me marqués par un présent de cette Espèce vous cautionne que la mienne à tous égards sera toujours sans bornes & que sur le grand objet auquel vous me permettés de concourir avec vous, Je vous ferai part sans aucune réserve de tout ce que je pourai recueïllir par les plus soigneuses recherches. Vous êtes unique en tout, Monsieur, vos bontés pour mr de Soltikoff en sont un témoignage sensible. La plus belle Epoque de sa vie sera d'avoir été à même de les éprouver: j'ai L'honeur de vous le recomander encore. Il me parait trop reconaissant pour douter qu'il ne travaïlle éffectivement à mériter L'Estime dont vous l'honorés. Le nom qu'il porte & que nôtre Général vient de rendre fameux doit Exciter son émulation; vous n'avés pas échapé L'occasion monsieur de me dire à ce sujet les choses les plus flatteuses & je vous en remercie: vos lettres me font un plaisir infini & j'ose vous prier de les rendre fréquentes, elles me prouvent que vous vous portés bien. Vous devés croire combien je le désire & m'y intéresse: rendés moi cette justice & celle d'être convaincu de la parfaite considération avec laquelle j'ai L'honneur d'être

Monsieur,

Vôtre très humble Et très obéïssant serviteur

J. Schouvallow