1755-04-05, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

Je suis fâchée Monsieur de Vous savoir toujour malade: mais je le suis encor d'autre chose: je la suis infiniment de ce que l'achat de st Jean ou des Delices que Vous avés fait àprésent n'aye point eu lieu il y a dix Ans; bon Dieu que j'eusse étée heureuse et que mon fils eût pus gagner en se trouvant dans Votre société: sa destinée ne l'a pas voulus ainsi: elle est bien souveraine come Vous dite: si je ne suis pas contente dans l'ocasion que je viens de nomer, je loue sa Sagesse de ce qu'elle ne m'a pas placée sur le trône.
Je l'aurois mal rempli: je serois bien dédomagée si j'ocupois une place dans Votre estime: je m'en flatte au moins du côté de Votre amitié; pendant que Votre aimable Nièce étoit ocupée à Vous soigner Monsieur, j'étois chargée de la même besoigne vis à vis de qui? je Vous le done en cent et en mille et Vous ne le devinerés pourtant pas? Il faut donc Vous le dire, cela est juste: j'avois à soigner la Nièce du grand home par préférence, jadis Votre protecteur, Votre Ami; c'est de La Princesse de Wirtemberg dont je parle: à son retour de Stucard elle repassa par ici, s'y arrêta quelques jours, y tomba malade, fit, entre nous soit dit, une fausse couche, se rétablit et partit très contente de chés nous, du moins en aparence: voilà son histoire; la miene est de Vous souhaiter, de Vous conjurer de revenir un jour chés nous, où Vous serés reçus come de raison, avec empressement, avec satisfaction, avec allégresse. Le Duc Vous fait mille amitiés, mes enfans autant; la grande maitresse Vous aime et Vous chérit infiniment, néamoins je la défie de me surpasser en estime, en affection et en constance. Je suis avec ces sentimens bien véritablement

Monsieur

Votre fidelle amie

Louise Dorothee DdS