1755-09-27, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

Votre Orphelin Monsieur vient d'arriver à bon port: il a extrêmement gagné depuis que je l'ai vus la première fois: son âge mûr nous tient parfaitement ce que son adolescence, si j'ose m'exprimer ainsi, nous a promis: tous ses traits sont devenus réguliers, de fins qu'ils étoient: sa phisionomie est mâle, belle et touchante: la vivacité de son esprit s'est tournée en force, en élévation d'âme et la douceur de son coeur en noblesse de sentiment: j'en suis enthousiasmée; je Vous demande pardon Monsieur du jugement téméraire que j'en porte: Vous en ête un peu cause, Vous m'enhardissés par tout ce que Vous me dite de flatteur: ce n'est pas le moyen de réprimer mon amour propre que d'élever come Vous faite mon goût et mon suffrage; la lettre à Roussau que Vous joignés à l'Orphelin, est encor un morceau charment et infiniment au dessus de sa réponse, quoique celui ci y a mis bien de l'esprit aussi: ce qui me plait sur tout dans Votre lettre c'est la manière polie, spirituelle et ingénieuse avec la quelle Vous lui faite sentir le paradoxe de sa thèse.

J'attens Jeane avec l'empressement d'un Amant fidelle et absent depuis longtems de l'objet de ses tendres amours. Vous devés avoir reçus les témoignages que je Vous en done dans ma dernière lettre que je Vous adressés il y a plus de quinze jours; sur le point de m'aller faire saigner je quite la plûme en Vous assurant de mon amitié constante et parfaite. J'ajoute les mêmes sentimens de la part de ma famille et de la grande maitresse des coeurs qui Vous chérit et Vous admire presque autant que je le fais; croyés moi toujour

Monsieur

et Votre amie et Votre servante

Louise Dorothee DdS

Voici l'adresse pour envoyer la pucelle:

à Monsieur de Waldner, Seigneur de Sirence, à Bâl.