1762-06-12, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

J'ai bien des obligations à Mr: Tronchin et à la bonne nature de Vous avoir fait différer Monsieur Votre voyage pour l'autre monde.
Modérés je Vous prie Votre curiosité pour ce païs là, et riés et moqués Vous le plus longtems qu'il Vous soit possible encor, des sotises de celui ci. Tous Vos Amis se réunissent pour faire des voeux pour Votre conservation et pour Votre bonheur. J'ose me flatter Monsieur que Vous voudrés bien me rendre la justice de me compter parmis ceux qui Vous admirent et chérissent le plus; par concéquend Vous devés être persuadés que c'est avec bien de la douleur que j'ai apris le danger dans lequel Vous Vous trouviés; mais il ne m'a pas été possible de Vous témoigner plustôt qu'aujourd huy tout l'intérêt que je prens à Vous. J'ai envoyés en attendent à la Comtesse de Baswiz la lettre que Vous m'aviés adressée pour elle, et je ne doute pas qu'elle ne m'adressra à son tour sa réponse, ce qui me fournira une nouvelle ocasion, dont je profitrai avec plaisir, et empressement pour Vous écrire. Vous avés très bien vus Monsieur, car il n'est que trop vrai que depuis le mois de novembre passé jusqu'au jour que je Vous écris ce ci, j'ai été entourée par Votre charmente et séduisante nation; son entretien nous a assurément beaucoup coûtés, cepandant ce n'est que le quart du mal que nous ont fait à Altenbourg Les Autrichiens.

Je souhaite avec ardeur une bone et promte paix. J'ai mille raisons pour une pour la désirer, mais un motif très pressant est la crainte des nouvelles conoissances qu'on ne fait pas come Vous dite très bien, selon son choix Celle de ceux surtout qui mangent les gens en frigandos et en coteletes, est très incomode, et très inquiétante: on nome ces mangeurs les Calmouques et les Cosaques. Que Dieu nous en préserve. Que Vous ête heureu d'être à l'abri de cette engence, et de tout ce qui pouroit troubler Votre gaïeté. Sans doute Monsieur que nous aurions choissis Geneve pour le premier séjours de mes fils si la guerre ne nous eût empêchés d'exécuter cette idée. Nous aurions étés charmés de les remettre à Vos soins et sous Vos yeux. Il faut voir coment nous ferons pour l'avenir. Je Vous avoue Monsieur que je ne puis encor me départir de l'espérance flateuse de Vous revoir un jour. Cette perspective est trop agréable pour m'en pouvoir soustraire; de grâce Monsieur laissés moi au moins l'espérance. Elle fait ma satisfaction, et Votre Amitié la douceur de ma vie. Toute ma famille Vous embrasse, Vous chérit, et Vous honore. L'aimable Buchwald toujour ocupée de Vous et de Votre mérite est sensiblement touchée de Votre souvenir, elle me charge Monsieur de Vous en témoigner sa vive reconoissance, je joins avec plaisir ce sentiment à tant d'autres qui m'attachent à Vous pour la vie et come Votre affectionée amie.

LD