à Peterhoff le 29 août/10 sept. 1760
Monsieur,
Voici enfin le petit recueil des mémoires concernant les Campagnes de Pierre le grand en Perse, que je vous ai promis si long-tems, et dont je trouve que la plus grande partie vous sera inutile.
Je joins encore un traité sur le comerce. J'ai envoyé en même tems quelques lettres de Pierre le grand, à Monsr de Solticoff, ne voulant vous les adresser directement, come elles ne contienent que des faits analogues aux circonstances de ce tems là. C'est à vous Monsieur de régler par votre choix judicieux l'usage qu'on en doit faire. Je me réserve l'honneur d'être le plus zélé de vos admirateurs, et de vous avoir fourni quelques peu des matériaux pour la construction du monument éternel que vous élevés à la gloire de notre Monarque.
Je suis surpris de n'avoir receu jusqu'ici aucune nouvelle de Mr Pouchkin, que je vous ai expédié avec un paquet. Il devrait vous l'avoir remis depuis long-tems. Son frère est de retour ici; il ne saurait assé se louer de vos bontés. Souffrés, Monsieur, que je vous dise à cette occasion, un mot de l'admiration ou plutôt de la vénération que nos Jeunes gens ont pour vous. Mr le Comte de Schouvallow, mon neveu, gentilhome de la Chambre de S. M. I., est inconsolable, de ne vous avoir pas trouvé à Genêve, où il s'était rendu pour vous faire sa cour, il y a deux ans. C'est un jeune homme fort apliqué aux lettres et ce qui fait honneur à son goût, c'est qu'il sait presque toutes vos poësies par coeur.
Enfin Monsieur le but principal des voyages de mes compatriotes est de connaitre personellement dans une ville, celui dont les trois parties du Monde ne sauraient contenir la renomée. Genêve me parait une autre Delphes: mais le Dieu qui vous inspire rend des oracles, plus vrais qu'autre fois et parle un langage plus beau depuis qu'il vous a choisi pour son organe.
Continués, Monsieur, je vous suplie, vos bontés à Mr de Solticoff. J'espère qu'il ne s'en rendra pas indigne; il ne m'écrit point de lettres, qui ne soient remplies des témoignages de la reconnaissance qu'il vous doit.
Permettés, Monsieur, que je vous fasse ressouvenir de quelques vers pour être mis au bas du portrait de Pierre le grand, dont vous consacrés les faits à la postérité. La planche vient d'être achevée, et je vous l'enverrai ou bien un nombre suffisant d'Estampes, pour mettre à la tête du livre. J'ai chargé Mr de Solticoff de me procurer votre portrait peint à l'huile. J'espère que vous ne lui refuserés pas cette grâce. J'ay L'honneur d'être avec les sentimens que je vous dois
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
I. Schouvallow