1760-11-30, de Count Ivan Ivanovich Shuvalov à Voltaire [François Marie Arouet].

Monsieur,

Je viens de recevoir la lettre dont vous m'avés honoré du 27 de Septembre.
Si vous saviés le plaisir que j'ai de recevoir de vos nouvelles, vous ne regretteriés pas les momens que vous employés à m'écrire. La lettre du Comte Golowkin dont vous me faites l'honneur de parler m'est parvenue mais non pas les exemplaires de votre ouvrage. Je me souviens toujours, Monsieur, come vous dites, qu'il y a malheureusement bien loin d'ici à Geneves. C'est moi qui perd beaucoup à tous égards.

Je suis autant surpris qu'indigné que Mr de Pouchkin ne soit pas arrivé chés vous. Je l'ai envoyé expressément, il n'a aucune autre affaire qui puisse le retenir dans son voyage. Le paquet que j'ai envoyé par lui me donne un peu d'embaras. J'ai eu des nouvelles qu'il est parti de Vienne depuis longtems; et après je n'entends plus parler de lui.

Rien de plus étrange Monsieur, ni de plus romanesque assurément que les anecdotes, touchant la princesse épouse de czarevitz. La fausseté de tous ces détails est trop évidente pour mériter la moindre réfutation, je me contante de vous dire que cette princesse est décédée à Pétersbourg en 1715. Elle était aimée et estimée de L'Empereur, sur tout de L'Impératrice qui pendant sa maladie ne quittait presque pas le chevet de son lit. Son caractère affable et son esprit lui avaient attiré l'attachement de tout le Monde. J'ai la copie de son testament, et de quelques lettres que je pourrai vous communiquer si je savais que tout cela vous puisse être de quelque utilité.

Les petits détails que Mr Solticoff me fait des charmes de votre conversation, m'engagent à lui porter envie, Je suis bien charmé cependant, d'aprendre qu'il fait des progrès dans ses études: il ne saurait manquer sous vos auspices de faire un jour honneur à sa patrie.

J'ai l'honneur de vous envoyer Monsieur les copies de deux lettres, que j'ai trouvées originales dans les archives. Elles sont assés intéresantes, d'autant plus qu'elles sont d'un Roy aussi illustre par ses vertus, que fameux par la révolution que le sort des combats a fait subir à sa destinée.

Je vous importune encore, Monsieur, pour les vers sous le portrait de Pierre le Grand. La planche est déjà achevée. C'est un jeune homme de mon pais, élève de l'Académie qui est sous ma direction qui a travaillé. Ce portrait doit être mis à la tête de votre ouvrage.

Je suis avec tous les sentiments du respect et de reconnaissance

Monsieur

Votre très humble et très obéissant serviteur

I. Schouvallow