le 3 [14 n. s.] d'août 1759.
Peterhoff
Monsieur,
Vos bontés soutenues pour Monsieur de Solticof, et dont il ne cesse pas de se louer me mettent dans le cas de vous faire toujours de nouveaux remerciemens, en vous priant de les lui continuer: son séjour à Geneves sera une de[s] plus heureuses Epoques de sa vie, puisqu'il a pu mériter vos suffrages.
Come vous m'avés paru désirer monsieur tout ce qui peut servir à l'histoire que vous avés bien voulu entreprendre, j'ai l'honneur de vous envoyer le panégirique de Pierre le grand, que l'on vient de traduire en françois: le traducteur, gêné par le Texte qu'il a dû rendre littéralement, a peut être dans quelques endroits emploié quelques phrasismes un peu étrangers, et n'a pas rendu toute la force de l'original Russe, mais Je vous asseure Monsieur que cet original de mr le professeur Lomonossoff, est très éloquent et très laconique. Je ne doute pas que cet ouvrage ne contienne quelques passages utiles à l'histoire de Pierres le grand. Il servira au moins Monsieur à vous doner une idée de notre langue et de sa construction, vous verrés qu'elle n'est point à beaucoup près si pauvre que nous l'anonce l'histoire de Brandebourg, qui dit que nous n'avons point des mots pour exprimer l'honneur et la vertu. Plusieurs livres grecs ancïenement traduits en notre langue, tels que st Jean Chrisostome, st Gregore etc: suffisent pour démentir cette opinion, mais c'est à vous Monsieur, à vous le modèle des Historiens, le Maitre de tous ceux qui écrivent, à juger la cause de la langue Russe contre ses Antagonistes. Je travaille toujours d'ailleurs Monsieur à rassembler des nouveaux matériaux pour vous les envoyer, mais la lenteur des traductions sert mal mon zèle, et l'envie que j'ai de prévenir vos désirs; ce sentiment est une faible marque de la reconnaissance que je dois à vos soins. Soyés en persuadé, je vous prie, ainsi que de la parfaite considération et estime avec lesquelles j'ai l'honneur d'être
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
J. Schouvallow