ce 28 octobre 1756
Après avoir fais la lecture de Votre charmente lettre du ii dc, je m'étois quasi proposée de ne Vous plus incomoder Monsieur ni par des manifestes ni par des Déductions soit du côté du Roi de Prusse soit de celui de L'Impératrice Reine, quand l'aparition de la pièce ci jointe m'a subitement fait changer d'avis: je l'ai trouvée trop curieuse et trop intéressante pour pouvoir me dispenser de Vous la comuniquer; si j'ai eu tort dans mes conjectures à cet égard je Vous demande d'avance pardon et Vous promes Monsieur et de ne plus venir à la charge sans y être autorisée par Vous même.
D'ailleur je suis très mordifiée de Vous savoir derechef malade et souffrant: si j'étois la plus puissante come je suis la plus compatissante et la plus foible dans le meilleur des mondes possible Vous jouiriés de toutes les satisfactions imaginable et de toute la félicité que Vous mérités: soyés en persuadés Monsieur et que si mon amitié est insuffisante du moins est elle la plus sincère et la plus active pour former des voeux en Votre faveur. Avant de quiter la plûme soufrés que je Vous conte encor quelques anecdotes assés plaisantes qu'on m'a mandés: après la bataille le Ministre de France à la Cour de Saxe voulut parler au Roi de Prusse et se rendit au Camp du corp Prussien qui tenoit les Saxons en échec, pour aller de là au Roi: les prussiens l'arrêtent et lui disent que sans un ordre exprès de leur Maitre ils n'osent pas le laisser aller outre: Le Ministre offensé, dit qu'il ne sait pas pourquoi on veut l'empêcher de poursuivre son chemin, qu'il est le Ministre de France et que le Roi très chrétien n'est pas en guerre avec sa Majesté pruissiene: nous le savons bien, répond la garde: mais nous avons ordre de la part de notre Monarque de ne laisser passer persone et d'affamer les Saxons: écrivés à notre Maitre et demandés lui la permission de Vous rendre à son camp: je n'écris point, dit le Ministre, à un Prince qui ne me répond pas: enfin il s'impatiante et veut forcer la garde pour le laisser passer. N'en pouvant pas venir à bout il menace de revenir le lendemain bien acompagné et de manière qu'on ne l'empêchera plus: on lui répond sur le même ton de fierté et on l'assure qu'il risquroit trop d'une pareille démarche: lassé des difficultés il retourne à Dresden, écrit au Roi et obtient enfin la liberté de l'aller joindre. Une autre anecdote assés drôle encor est celle ci: Le Roi de Prusse exige des contributions du Comte Promnizà son entrée en Saxe, le regardant come il est effectivement vassal de la Saxe: le Comte s'en deffend et écrit au Roi qu'il se plaindra de son opression au Conseil Aulique: sur quoi le Roi lui répond que s'il ne suit ses ordres qu'il s'en plaindra à son général à qui le Roi avoit doné comission à faire payer ces contributions.
Je Vous pourois encor conter mille autre dans ce goût là mais le temp me manque et je ne puis que Vous assurer de mon estime et que je suis pour la vie
Monsieur
Votre très affectionée amie
Louise DdS